Grand amateur de Dali ou d’un Francis Bacon, dont il admire l’humour et la violence du décalage, Maxime Bekerman choisit d’utiliser la photographie comme un instrument subversif, au sens étymologique du terme : « Je pense m’être intéressé à la photographie parce qu’il y a quelque chose de magique dans cette invention. J’aime le fait que le spectateur adhère volontairement à une tromperie pour être déstabilisé dans ce qu’il connait du réel. En sachant comment fonctionne un appareil photo, la magie peut disparaître un peu. J’essaie donc de faire émerger à nouveau cette magie dans mes images en modifiant ce que l’appareil me propose comme interprétation de ce qu’il saisit »
Il y a sans doute chez Maxime Bekerman une obsession pour l’uniforme. Celui que l’on porte, celui que l’on redoute. L’uni-forme c’est aussi celle que notre société essaie de nous faire enfiler tous les matins comme un rituel sans la foi, jusqu’à ce que le miroir nous renvoie le reflet d’un standard, consommable et consommé : « J’explore la problématique de l’obsolescence programmée, ainsi que la façon dont certaines technologies et les industriels nous poussent de plus en plus vers le ‘non-savoir-agir’ sur ce qui nous entoure pour mieux nous vendre leurs produits, toujours plus sécuritaires, toujours plus jetables, toujours plus infantilisants. C’est donc entre autres vers les théories qui défendent le fait de réapprendre des savoir-faire oubliés qui inspirent ma pratique. Je tente de m’imprégner à mon rythme de ce style de vie qui consiste plus globalement à prendre conscience de ce qui nous entoure, avec la volonté d’apprendre à gérer ce rapport au monde au mieux ».
Dans ses séries Identitaire, Corps de métier ou encore Dénaturé, sans pour autant restituer son visage à l’individu, Maxime Bekerman lui restitue son corps. Les bouches et les yeux ne sont pas ici le terrain privilégié de l’expression. Le corps en revanche est nu, peint, avec la solennité de la statue, la minéralité de la pierre. Cette renonciation au mouvement tend à interpeler le spectateur sur sa place dans la société, et interroge sa propension à sortir du cadre, de sa zone de confort inconfortable. La série Rebelle, que Maxime Bekerman est en train de finaliser actuellement, semble illustrer que la nature se le permet, elle. Elle brise le métal, le béton et la géométrie, triste triptyque a priori, pour laisser s’exprimer sa Diva.
Marion Froger